Un bon villageois fort riche mit son fils au collège, rêvant pour lui une place d'avocat, voire même de premier ministre. Arrivé dans l'établissement, notre villageois fut bourré de grec, de latin, de mathématiques et de soupe aux pois. Malheureusement pour l'élève, la soupe aux pois eut seule du succès ; le grec, le latin, les mathématiques, furent des mets complètement indigestes. Enfin, il rentra au foyer domestique, où il ne tarda pas à montrer le bout de l'oreille. Le père fut le premier à l'apercevoir. Or, un jour qu'ils étaient à table, on avait servi trois œufs. Le jeune collégien, ne voulant pas qu'on soupçonnât son ignorance, voulut faire voir qu'il n'avait pas perdu son temps au collège.
‑ Vous ne voyez ici que trois œufs, dit-il à son père ; eh bien, je vais vous prouver qu'il y en a cinq. Où sont trois se trouvent deux : ici sont trois œufs, donc il s'en trouve deux ; or, deux et trois font cinq, donc il y a cinq œufs.
‑ J'accorde tout, dit le père ; en conséquence de ces cinq œufs, j'en mangerai deux, j'en donnerai un à votre mère et les deux autres seront pour vous.
Extrait de L'aimable compagnon - Nouveau recueil de bons mots, de fines saillies, de réparties spirituelles, d'historiettes et d'anecdotes plaisantes, naïvetés, menus propos, etc. Montréal. 1899.
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