Mon
Amour,
Tu
es partie. Trop vite. Trop tôt, beaucoup trop tôt. Nous avions encore tant de
choses à vivre ensemble.
Ton
titanesque combat est terminé. Après cinq années de lutte faite de victoires, de
rechutes et de périodes d’espoir, la maladie a finalement gagné l’ultime
bataille.
C’était
une belle fin d’après-midi d’avril, il y a un peu plus de 8 ans. Nous nous
sommes rencontrés pour la première fois. J’ai été fasciné, envoûté dès les
premières secondes par tes yeux. C’est d’eux dont je suis tombé amoureux en
premier. Et, ces dernières semaines, ces derniers jours, alors que ton corps et
ton cerveau partaient à la dérive, il y a toujours eu, dans tes magnifiques
yeux, cette petite lueur qui faisait battre mon cœur un peu plus vite.
Je
m’étais noyé dans ces yeux à notre première rencontre. Je m’y suis perdu alors
que tu rendais ton dernier souffle. Je n’oublierai jamais cet ultime regard,
dans lequel tu avais concentré tes dernières forces. J’y ai vu, pour la
dernière fois de ma vie, tout ton amour, ta détresse, mais aussi du soulagement
je crois.
Ils
se sont refermés pour toujours et ils me manquent terriblement.
Ces
yeux, c’étaient ceux d’une femme exceptionnelle dont le caractère, la joie de
vivre mais aussi la fragilité m’avaient rapidement séduit. Ce mélange étonnant,
parfois déroutant je dois le reconnaître, était le fruit d’une vie qui ne
t’avait pas épargnée et avait placé sur ton chemin des obstacles que tu avais
toujours su franchir, souvent seule, avec tes deux filles que tu aimais plus
que tout, et pour lesquelles tu étais toujours prête à sacrifier ton propre
bonheur, ta propre existence.
Mais
l’amour de ta vie, le véritable amour pour un être avec lequel tu serais prête
à finir tes jours, celui-là tu ne l’avais pas trouvé, allant de déceptions en
cruelles désillusions.
Et
puis nos routes se sont croisées. J’ai vécu auprès de toi, mon Amour, les huit
plus belles années de ma vie. Alors, non, ce ne fut pas un long fleuve
tranquille, et nous avions suffisamment d’expérience l’un comme l’autre pour
savoir que ça ne le serait pas. Notre barque a parfois tangué dangereusement.
Mais c’était dans ces moments que nous réalisions la force de l’amour qui nous
unissait car, ensemble, main dans la main, nous sortions de ces gros temps,
encore plus forts, encore plus aimants.
Ton
départ n’a pas été brutal, nous avons eu quelques semaines pour nous y
préparer, l’un comme l’autre. J’ai été tristement émerveillé par la force
mentale dont tu as fait preuve alors. Toi qui avais si peur de mourir, de ne
pas voir ta fille, Laurine, devenir une jeune femme dont tu serais fière, de ne
pas voir grandir ta petite-fille, Kelya, toi qui craignais par-dessus tout de
perdre trop tôt le bonheur si longtemps cherché, tu as accepté l’inacceptable,
l’injuste. Et tu ne sauras jamais à quel point cela m’a aidé à supporter
l’inéluctable, alors que tu t’enfonçais tous les jours un peu plus.
La
blessure qui m’a ouvert le cœur il y a quelques semaines et qui n’a cessé de
s’agrandir jusqu’à ce triste après-midi d’août est là, béante et douloureuse. Je
sais, oui je sais que le temps fera son œuvre, pour peu que je l’accepte, et
fera de cette blessure une cicatrice qui balafrera mon cœur jusqu’à son dernier
battement. Et, parfois, cette cicatrice me fera mal, au hasard d’une image,
d’une odeur, d’un son qui me rappelleront cruellement que tu n’es plus à mes
côtés, et que seule ma foi en un monde meilleur au-delà de cette vie m’aidera à
supporter.
Car
je te le promets, mon Amour, nous nous reverrons bientôt. Pour toi, à l’échelle
de l’éternité, ce sera dans quelques instants. Pour moi, eh bien, je vais
d’abord terminer ce que j’ai à faire, à commencer par tenir la promesse que tu
m’as demandé de te renouveler alors que tu avais encore la force de
parler : prendre soin de ta fille.
Quant
à toi, Dieu t’a confié une mission : veiller sur nous.
Je
compte sur toi.
Au
revoir mon Amour.
Je
t’aime.
Didier, le 23 août 2019