Le 11 octobre 1963, quelques heures seulement après la mort d'Edith PIAF, Jean COCTEAU tirait à son tour sa révérence.
Une profonde amitié liait ces deux grands artistes. La légende veut d'ailleurs que la mort de la chanteuse ait provoqué celle du poète. Vous devriez d'ailleurs voir quelques articles à ce sujet aujourd'hui.
Comme pour "la môme" hier, j'ai choisi de rendre hommage à ce grand artiste en citant un de ses textes. J'y ajouterai un de ses innombrables dessins, dont certains sont particulièrement connus.
En tant que Saint-Cyrien, je ne pouvais pas sélectionner une autre image que celle-ci...
Soleil, je t'adore comme les sauvages,
à plat ventre sur le rivage.
Soleil, tu vernis tes chromos,
tes paniers de fruits, tes animaux.
Fais-moi le corps tanné, salé ;
fais ma grande douleur s'en aller.
Le nègre, dont brillent les dents,
est noir dehors, rose dedans.
Moi je suis noir dedans et rose
dehors, fais la métamorphose.
Change-moi d'odeur, de couleur,
comme tu as changé Hyacinthe en fleur.
Fais braire la cigale en haut du pin,
fais-moi sentir le four à pain.
L'arbre à midi rempli de nuit
la répand le soir à côté de lui.
Fais-moi répandre mes mauvais rêves,
soleil, boa d'Adam et d'Eve.
Fais-moi un peu m'habituer,
à ce que mon pauvre ami Jean soit tué.
Loterie, étage tes lots
de vases, de boules, de couteaux.
Tu déballes ta pacotille
sur les fauves, sur les Antilles.
Chez nous, sors ce que tu as de mieux,
pour ne pas abîmer nos yeux.
Baraque de la Goulue, manège
en velours, en miroirs, en arpèges.
Arrache mon mal, tire fort,
charlatan au carrosse d'or.
Ce que j'ai chaud ! C'est qu'il est midi.
Je ne sais plus bien ce que je dis.
Je n'ai plus mon ombre autour de moi
soleil ! ménagerie des mois.
Soleil, Buffalo Bill, Barnum,
tu grises mieux que l'opium.
Tu es un clown, un toréador,
tu as des chaînes de montre en or.
Tu es un nègre bleu qui boxe
les équateurs, les équinoxes.
Soleil, je supporte tes coups ;
tes gros coups de poing sur mon cou.
C'est encore toi que je préfère,
soleil, délicieux enfer.