Pour que vive France

Ce poème a été écrit, alors qu'il était à Saint-Cyr, par le capitaine Clément FRISON-ROCHE, tombé au champ d'honneur le 25 novembre 2019 au Mali. Je reproduis ici ce texte, en hommage à un frère d'armes et à tous nos soldats morts pour la France.


Pour que vive France

Ainsi, toujours poussés vers une étrange quête
Nos pères s’en allaient-ils bravant la destinée,
Tantôt l’air abattu par le poids des conquêtes,
Tantôt l’air guilleret de leurs jeunes années.

Sur les champs de bataille, côtoyant la laideur,
Ils connaissaient la vie et ses plus tristes heures.
Pas un ne regrettait mais tous avaient au cœur
Ce que signifiait mourir au champ d’honneur.

Du plateau de Pratzen où la brume se fane,
Des tranchées de Verdun aux rizières du Tonquin,
Par delà le Djebel et les vallées afghanes,
La souffrance et la peur étaient leur quotidien.

Mais pour que vive France et la gloire de son nom,
Ils portèrent au front son prestigieux emblème,
Et subissant l’affront jusqu’à celui suprême,
Ils tombèrent en héros sous le feu des canons.

Les yeux levés au ciel implorant le pardon,
Leur corps meurtri exhibait une douleur extrême,
Et dans l’ultime soupir sur leur visage blême,
Leurs lèvres murmuraient ce cantique moribond :

« Oh tendre France, douce gardienne de mon baptême,
Prenez ici ma vie, je vous en fais don,
Veillez sur ma famille et tous les gens que j’aime,
Et rendez je vous prie mon sacrifice fécond… »

Toi France, ingrate mère à la parure ternie,
Laisseras-tu leurs cris se perdre dans la nuit ?
Ils t’ont donné leur cœur, ils t’ont donné leur vie,
N’est-ce pas révoltant que nul ne les envie ?

À tes illustres fils tombés pour la patrie,
Plutôt que souvenir tu préfères l’oubli,
À tes jeunes enfants disparus aujourd’hui,
Plutôt que bienveillance tu préfères le mépris.

Qu’adviendra-t-il de nous ta jeune génération ?
Parmi les injustices de tes institutions,
Et le désintérêt de ta population
Ne saurons-nous jamais où part ton attention ?

Quel sort réserves-tu à ceux qui serviront ?
Nulles considérations, seules quelques concessions !
Pourtant tu le sais bien, nous qui te chérissons,
Nous ne demandons rien qu’un peu de compassion !

Et s’il m’advenait un jour de périr en ton nom,
Ce serait avec foi mais non sans une question,
Pour que revive France et la gloire de son nom,
Je te lancerais sans haine ce dernier affront.

Tandis que mon chant du cygne, funeste merveille,
Pareil au flot gémissant de mon sang vermeil,
Fera couler ces mots aux mille résonances :
« France, ma France, qu’as-tu fait de ta reconnaissance ? »

À Guislaine


Mon Amour,

Tu es partie. Trop vite. Trop tôt, beaucoup trop tôt. Nous avions encore tant de choses à vivre ensemble.
Ton titanesque combat est terminé. Après cinq années de lutte faite de victoires, de rechutes et de périodes d’espoir, la maladie a finalement gagné l’ultime bataille.

C’était une belle fin d’après-midi d’avril, il y a un peu plus de 8 ans. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois. J’ai été fasciné, envoûté dès les premières secondes par tes yeux. C’est d’eux dont je suis tombé amoureux en premier. Et, ces dernières semaines, ces derniers jours, alors que ton corps et ton cerveau partaient à la dérive, il y a toujours eu, dans tes magnifiques yeux, cette petite lueur qui faisait battre mon cœur un peu plus vite.
Je m’étais noyé dans ces yeux à notre première rencontre. Je m’y suis perdu alors que tu rendais ton dernier souffle. Je n’oublierai jamais cet ultime regard, dans lequel tu avais concentré tes dernières forces. J’y ai vu, pour la dernière fois de ma vie, tout ton amour, ta détresse, mais aussi du soulagement je crois.
Ils se sont refermés pour toujours et ils me manquent terriblement.

Ces yeux, c’étaient ceux d’une femme exceptionnelle dont le caractère, la joie de vivre mais aussi la fragilité m’avaient rapidement séduit. Ce mélange étonnant, parfois déroutant je dois le reconnaître, était le fruit d’une vie qui ne t’avait pas épargnée et avait placé sur ton chemin des obstacles que tu avais toujours su franchir, souvent seule, avec tes deux filles que tu aimais plus que tout, et pour lesquelles tu étais toujours prête à sacrifier ton propre bonheur, ta propre existence.
Mais l’amour de ta vie, le véritable amour pour un être avec lequel tu serais prête à finir tes jours, celui-là tu ne l’avais pas trouvé, allant de déceptions en cruelles désillusions.
Et puis nos routes se sont croisées. J’ai vécu auprès de toi, mon Amour, les huit plus belles années de ma vie. Alors, non, ce ne fut pas un long fleuve tranquille, et nous avions suffisamment d’expérience l’un comme l’autre pour savoir que ça ne le serait pas. Notre barque a parfois tangué dangereusement. Mais c’était dans ces moments que nous réalisions la force de l’amour qui nous unissait car, ensemble, main dans la main, nous sortions de ces gros temps, encore plus forts, encore plus aimants.

Ton départ n’a pas été brutal, nous avons eu quelques semaines pour nous y préparer, l’un comme l’autre. J’ai été tristement émerveillé par la force mentale dont tu as fait preuve alors. Toi qui avais si peur de mourir, de ne pas voir ta fille, Laurine, devenir une jeune femme dont tu serais fière, de ne pas voir grandir ta petite-fille, Kelya, toi qui craignais par-dessus tout de perdre trop tôt le bonheur si longtemps cherché, tu as accepté l’inacceptable, l’injuste. Et tu ne sauras jamais à quel point cela m’a aidé à supporter l’inéluctable, alors que tu t’enfonçais tous les jours un peu plus.

La blessure qui m’a ouvert le cœur il y a quelques semaines et qui n’a cessé de s’agrandir jusqu’à ce triste après-midi d’août est là, béante et douloureuse. Je sais, oui je sais que le temps fera son œuvre, pour peu que je l’accepte, et fera de cette blessure une cicatrice qui balafrera mon cœur jusqu’à son dernier battement. Et, parfois, cette cicatrice me fera mal, au hasard d’une image, d’une odeur, d’un son qui me rappelleront cruellement que tu n’es plus à mes côtés, et que seule ma foi en un monde meilleur au-delà de cette vie m’aidera à supporter.
Car je te le promets, mon Amour, nous nous reverrons bientôt. Pour toi, à l’échelle de l’éternité, ce sera dans quelques instants. Pour moi, eh bien, je vais d’abord terminer ce que j’ai à faire, à commencer par tenir la promesse que tu m’as demandé de te renouveler alors que tu avais encore la force de parler : prendre soin de ta fille.
Quant à toi, Dieu t’a confié une mission : veiller sur nous.
Je compte sur toi.

Au revoir mon Amour.
Je t’aime.

Didier, le 23 août 2019

Citation de Michel SERRES

Écrire est le dernier des métiers manuels.
Michel SERRES
(1er septembre 1930 - 1er juin 2019)

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24 février 2013 : ouverture du blog.
29 septembre 2015 : 100 000 pages vues.
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27 avril 2019 : 500 000.

Pour un blog qui n'est plus mis à jour que de manière très irrégulière, ce n'est pas mal. Merci !

Sans fautes, 100 fautes

Une dictée sans fautes.

Dans la cuisine du vieux chalet.
Un ravioli, au fond d’un petit poêlon, réchauffe. Et il dore sous une couche de gruyère râpé. Le vieux chalet est bien tranquille. Pour le dîner, tout sera grillé, appétissant, fondant l Le fromage est posé sur un plat ravissant. Sans doute, et d'une bouchée, il sera avalé ! Le saucisson, gras et bien tendre, sera coupé en rondelles. Et, servi sur un plateau, le chocolat bout, le verser sera délicat et dangereux ! D'un seul coup, il écume et gorge le chalet d'un bon et tranquille parfum.


Une dictée, 100 fautes.

Dans la cuisine du vieux chat laid.
Un rat vit au lit, au fond d'un petit poêle long. Réchauffé, il dort sous une couche de gruyère râpé. Le vieux chat laid est bien tranquille : pour le dîner, tout ce rat, gris et appétissant, fond dans le fromage. Et posé sur un plat, ravi, sans s'en douter, d'une bouchée, il sera avalé l Le sot, si son gras est bien tendre, sera coupé en rondelles et servi sur un plat. 0h ! le choc l holà ! Bouleversé, ce rat délicat est dangereux ! D’un seul coup, il écume, égorge le chat laid d'un bond et tranquille, part. FIN.


Citation de Victor HUGO

Lire, c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas.
Victor HUGO

Le mot et la chose

Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose

On vous a dit souvent le mot

On vous a fait souvent la chose

Ainsi de la chose et du mot

Vous pouvez dire quelque chose

Et je gagerais que le mot

Vous plaît beaucoup moins que la chose

Pour moi voici quel est mon mot

Et sur le mot et sur la chose

J'avouerai que j'aime le mot

J'avouerai que j'aime la chose

Mais c'est la chose avec le mot

Mais c'est le mot avec la chose

Autrement la chose et le mot
À mes yeux seraient peu de chose

Je crois même en faveur du mot

Pouvoir ajouter quelque chose

Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose

C'est qu'on peut dire encore le mot

Alors qu'on ne fait plus la chose

Et pour peu que vaille le mot

Mon Dieu c'est toujours quelque chose

De là je conclus que le mot

Doit être mis avant la chose

Qu'il ne faut ajouter au mot

Qu'autant que l'on peut quelque chose

Et que pour le jour où le mot

Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot

Pour se consoler de la chose

Pour vous je crois qu'avec le mot

Vous voyez toujours autre chose

Vous dites si gaiement le mot

Vous méritez si bien la chose

Que pour vous la chose et le mot

Doivent être la même chose

Et vous n'avez pas dit le mot

Qu'on est déjà prêt à la chose

Mais quand je vous dis que le mot

Doit être mis avant la chose

Vous devez me croire à ce mot

Bien peu connaisseur en la chose

Et bien voici mon dernier mot

Et sur le mot et sur la chose

Madame passez-moi le mot

Et je vous passerai la chose

Gabriel-Charles de Lattaignant (1697-1779)

Bonne année 2019


"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible."
Antoine de Saint-Exupéry

Belle et heureuse année à vous, lecteurs de ce blog, et à tous ceux qui vous sont chers.